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    TROIS PRINCIPES POUR RECONSTRUIRE LE LOGEMENT SOCIAL

    Paru dans la revue Esprit – Journal – janvier 2012

    La question du logement social ne peut être débattue en faisant abstraction du contexte politique et économique dans lequel elle se pose. Ces trente dernières années, les politiques sociales ont été financées par la dette. Pour les années à venir, on ne sait pas comment elles le seront. Il faut désormais beaucoup d’optimisme pour croire que les perspectives économiques vont s’améliorer à court ou moyen terme. A fortiori, les nouveaux crédits réclamés pour affronter la crise du logement ne seront pas trouvés. C’est dans ce cadre étroit qu’il nous faut penser le renouveau du logement social. L’heure est au redéploiement des moyens publics. Des approches alternatives doivent s’imposer.

    Agir sur le foncier

    Le prix du logement se décompose en trois postes principaux : le prix du foncier, celui de la construction et celui des matériaux. Il est possible d’agir sur les trois leviers. Le foncier tout d’abord. Nous avons besoin de susciter de nouvelles opérations immobilières. Or, les pouvoirs publics peuvent, par des modifications réglementaires, dégager de nouvelles opportunités. Cependant, on sait, grâce à l’économiste Vincent Renard, que la valeur d’un terrain se calcule en procédant à partir de sa capacité constructive, en déduisant ensuite les divers coûts d’opération. Il découle de ceci qu’à chaque fois que l’on augmente le droit à construire d’un terrain, la plus value latente est aussitôt captée par ses propriétaires. La préemption foncière qui permettait de contourner l’obstacle est très onéreuse, et n’est plus à notre portée. Tout alors est à inventer. On peut par exemple attacher pour chaque parcelle un droit à construire additionnel dédié au seul logement social. Un promoteur privé qui aura rentabilisé son opération sur la construction de logements destinés au marché libre construira une part supplémentaire de logements à destination des populations moins aisées, mais le prix de revient de ces appartements sera exempté du poids de la charge foncière. Suivant que les opérations soient destinées à la revente ou à la location, le partenariat avec les offices HLM permettrait de maximiser l’efficacité de l’action sociale en l’exonérant de tout ou partie de la charge foncière. La location et la gestion des appartements sociaux sont alors éventuellement laissées à la charge des offices HLM.

    Le poids des procédures

    Le prix de la construction peut aussi être réduit. Quand on analyse la production du logement social ramené au mètre carré construit, on ne peut que s’étonner des disparités sur le territoire. Ainsi, en 2007, le prix de revient du mètre carré construit était de 2 700 euros en région parisienne soit près de 1 000 euros de plus que la moyenne nationale1. Suivant un simple principe d’équité et de justice, il est inadmissible que certaines opérations captent les moyens publics à un ratio double ou triple des autres. D’où l’idée de mettre en évidence cet indice et de lui imposer un plafonnement. On ne produira plus de logement social au delà du seuil fixé. Que faire alors des opérations trop chères ? Depuis trente ans, on fait subir au logement social le poids de politiques qui ne sont pas directement de son ressort. Ainsi, on exige que celui-ci soit exemplaire tant sur le plan de l’accueil des handicapés que sur celui des politiques de soutien à l’industrie écologique naissante. Lorsque la construction d’une opération est à ce prix, il faut savoir composer avec certaines exigences secondaires au profit de l’essentiel. Par exemple, à propos de l’isolation thermique, est-il nécessaire d’imposer de lourdes dépenses techniques pour évaluer les rendements des logements en termes d’isolation, alors que des simples prescriptions décrivant les épaisseurs d’isolant, le mode de chauffage de l’eau ou la qualité des vitrages obtiendraient des résultats notoires avec des coûts d’investissement réduits ? Plus généralement, il est manifeste que des économies pourront se faire en réduisant la part administrative induite dans l’acte de construire. Concernant les coûts de matériaux, il est difficile de faire baisser leur prix de revient. En revanche, on doit faire attention à leurs origines. Si l’action de construire permet le maintien d’une activité économique nationale à partir des deniers publics, elle ne doit pas contribuer à augmenter notre déficit commercial. Le logement social se doit donc d’être performant sur ce critère, en favorisant l’emploi de matériaux locaux. Doit-on pour cela privilégier l’usage des tuiles et de la brique sur le cuivre ou le zinc ?

    Changer les mentalités

    La redéfinition de la politique du logement social se trouve au seuil d’un remaniement complet auquel nous n’échapperons pas. Cela prendra du temps, car les mentalités sont lentes à évoluer. Nous sommes habitués à raisonner dans un cadre ancien qui n’existe plus. Comme si rien n’avait changé, les associations caritatives les plus actives en France, qu’elles s’occupent du secours aux plus démunis ou de l’aide aux handicapés, ne semblent pas être prêtes à accepter les implications de cette réalité nouvelle et continuent à réclamer plus de subsides de la part de l’État. A leur niveau actuel, les budgets sociaux ne parviennent pas à remplir leurs missions de manière satisfaisante. Ils n’ont pas empêché la crise du logement. Il est inutile de réclamer plus de crédits. Il faut travailler à une meilleure rentabilité de ceux-ci. Le temps que nous mettrons à redéployer notre action sera un facteur déterminant dans la résolution de la crise qui s’annonce. En ceci, la politique du logement peut être exemplaire.

    1. Voir la brochure Produire le logement social à quel prix ?, publiée en 2008 par le Réseau des acteurs de l’habitat.

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