Un RSA pour la ville : vers un urbanisme de la ductilité !

Un RSA pour la ville : vers un urbanisme de la ductilité !
6 mai 2009 gdgraphisme

UN RSA POUR LA VILLE : VERS UN URBANISME DE LA DUCTILITÉ

Paru dans la rubrique AGORA de la revue URBANISME n°365 – Mars/Avril 2009

Posons la question urbaine dans le bon sens : seul un pays doté d’institutions modernes et performantes pourra enfanter une ville qui lui ressemble. La priorité n’est pas de proposer arbitrairement une forme pour la ville, car celle-ci s’inventera d’elle-même sur le modèle de la matrice qui la génèrera. Il est en revanche urgent d’adapter notre administration, nos institutions, nos règlementations, nos procédures en fonction des objectifs économiques, culturels et politiques que nous souhaitons atteindre. Essayons d’en dessiner ici les contours.

Sans prétendre à l’exhaustivité, cinq enjeux décisifs doivent retenir notre attention : la réactivité, la simplicité, la légalité, l’expérimentation et la gestion des connaissances. La réactivité implique une capacité à réagir rapidement à un changement brusque de notre environnement : coût de l’énergie, déplacement des bassins d’emploi, etc. La simplicité du système règlementaire permet aux investisseurs de reposer sur des modèles prévisionnels fiables. C’est donc un impératif économique. Le maintien de la ville comme espace de la démocratie doit être assuré et contrôlé par la légalité des procédures. Enfin, on insistera jamais assez sur l’importance de l’expérimentation quand il s’agit de définir une politique dans un environnement  complexe et mobile. Elle constitue la seule voie qui permette la constitution d’un savoir nouveau adapté à notre époque. Elle nécessite a minima la création d’un organisme transversal, où se rencontrent les différents interlocuteurs au niveau local et national, à même de proposer des innovations, de les mettre à l’épreuve de la réalité, mais aussi de gérer les connaissances acquises, c’est-à-dire de les diffuser, d’en faire le bilan, d’en conserver la mémoire.

La gouvernance est donc au cœur de la question urbaine, et cette constatation suffirait à décourager les bonnes volontés. Domaine réservé de la haute administration, elle apparaît impossible à réformer du fait des résistances et les lourdeurs inhérentes au monde politique. Pourtant, à y regarder de près, le revenu de Solidarité active promu par Martin Hirsch répond aux cinq cibles que nous avons pointées. Institué par la loi du 1er décembre 2008, le RSA bouscule les habitudes en matière de politique sociale et propose une refonte générale des systèmes en vigueur.  On s’interrogeait depuis quelque temps sur le fonctionnement des aides sociales qui stigmatisent les assistés et les maintiennent dans un état de dépendance à l’écart du monde du travail. Les dispositions nouvelles permettent d’appréhender cette difficulté à travers la mise en place d’une réglementation qui efface les effets de seuils inhérents à chaque système en leur substituant un système global. Ce dernier  répond à l’objectif affirmé de simplification et le RSA remplace à lui seul le revenu minimum d’insertion, l’allocation de parent isolé et les différents mécanismes d’intéressement à la reprise d’activité. Le Haut commissariat aux Solidarités actives contre la pauvreté est une administration transversale ad hoc qui, sous la responsabilité de l’État et des départements, organise la coordination et l’implication des acteurs du champ de l’insertion, des entreprises aux partenaires sociaux. Il rend compte annuellement de son action auprès du Parlement afin que les bilans de ses actions soient connus et partagés, et que se développe un savoir-faire nouveau.  Après la réforme, le demandeur d’emploi ne devra plus redouter de perte de pouvoir d’achat au moment où il réintègre le monde du travail. On peut donc ajouter une caractéristique supplémentaire à ce dispositif ; il permet d’investir intelligemment dans l’action sociale, en assurant à terme une meilleure rentabilité du système. La question posée est donc la suivante : à quand une refonte des politiques urbaines pour assurer le traitement solidaire de notre espace commun ? À quand un  RSA pour la ville ?

À l’occasion de la consultation pour le Grand Paris organisée à l’initiative du Président de la République en 2008, notre équipe pour une « réglementation active » /1, fortement structurée pour mener une réflexion sur droit de l’urbanisme, a proposé la mise en place de procédures expérimentales dans le cadre d’un dispositif mobile. Il s’agissait en particulier d’appliquer une telle démarche au territoire de la banlieue, en incitant à des opérations concrètes par la modulation règlementaire. Ce n’était là qu’une première tentative. L’évolution de notre environnement administratif est à la fois le préalable et le moteur qui conduira nos villes à engager les transformations rendues urgentes pour affronter les difficultés sociales et économiques qui s’annoncent.

Note
1/ Équipe « réglementation active » : mandataire Nicolas Nahum, architecte,  Thierry Roze architecte urbaniste,  société d’avocats internationale Ernst and Young.